Depuis bien longtemps le musée Curtius, à Liège, expose des vitraux provenant de l’ancienne église Saint-Jean-Baptiste. Voici comment apparaissaient ces vitraux au palier du premier étage du musée, sur une photo faite il y a plusieurs dizaines d’années :
Le vitrail était en quatre parties. En haut à gauche, on devine un blason avec trois canettes; il est orné de la fameuse Croix de Saint-Louis. A droite, c’est un cheval au galop qui est représenté.
Les textes des inscriptions sous les blasons sont difficilement lisibles. Nous les reproduisons ici :
Monsieur Iean de Halleux Chevalier de St Louis et Commandant la brigade des officiers du régiment De la Marck au service de SMTC 1726 |
La Demoiselle Ienniton de Halleux Son Espeuse 1 7 2 6 |
Qu’en ont conclu de nombreux généalogistes ? Bien évidemment, qu’il s’agissait d’un hommage au Chevalier Jean de Halleux et à Jenniton, son épouse. Et pourtant…
Dans les années 1970, quelques généalogistes très perspicaces, dont Jacques Berger Carrière, ont examiné, plus en détail, ce vitrail et les fiches d’inventaire du musée. L’assemblage des différents éléments du vitrail du musée leur semblait particulièrement maladroit. Cela apparaît bien sur la photo.
Nos généalogistes firent de nombreuses recherches et envisagèrent plusieurs hypothèses. Finalement le conservateur du musée Curtius leur expliqua que cet assemblage avait été réalisé au musée même, avec différents vitraux provenant de l’église Saint-Jean-Baptiste, mais que rien ne garantissait que l’assemblage réalisé au musée corresponde à la disposition originale des vitraux à l’église.
En effet, six éléments de vitraux furent achetés par le musée, en 1865 – pour 23 francs – à l’entrepreneur Belin qui avait été chargé de la démolition de l’église :
- fiches I/1115 et I/1116 : deux vitraux portant des armoiries avec « 7 fusées » ;
- fiches I/1117 et I/1118 : cartouche et armoiries de l’officier Jean de Halleux, datée de 1726 ;
- fiche I/1119 : cartouche de Jenniton de Halleux, datée de 1726 ;
- fiche I/1120 : cartouche du « Révérend Sieur Lambert Lescrinier prêtre et l’un des chapelains de l’église paroissiale de St Jean Baptiste à Liège 1726 ».
Suite à ces « révélations », le musée Curtius a sagement décidé de modifier la présentation des vitraux. voici les photos des vitraux restaurés :
Armoiries du Chevalier Jean de Halleux
Cartouche du Chevalier Jean de Halleux
Armoiries non identifiées
Cartouche de Jenniton de Halleux
Que savons-nous de la vie de Jean de Halleux ?
Un extrait, certifié conforme, des registres du Service historique de l’Armée française nous apprend le déroulement de sa carrière militaire. Il entra dans le régiment Tallard, comme cavalier au service de Sa Majesté Très Chrétienne (SMTC), le Roi de France, en 1682; en 1684, il devint garde du Cardinal de Furstenberg, puis maréchal des logis du régiment de Furstenberg en 1688; en 1690, il fut fait cornette, puis sous-lieutenant en 1693 et lieutenant de la compagnie de Maubeuge en 1696. Il quitta le service en 1704, en tant que capitaine réformé du régiment de La Marck. Il était âgé de 45 ans.
Les relevés des actes de baptême attestent que Jean de Halleux et Catherine Sauveur firent baptiser plusieurs enfants à l’église Saint-Jean Baptiste : Lambert en 1681, Pascasie et sa sœur jumelle Marie en 1682, Walter (Walthère) en 1685 et Jean Lambert en 1687. En 1701, Walter rejoignit son père comme volontaire dans le régiment de cavalerie de Furstenberg (devenu ensuite de La Marck).
Tiens, Jean de Halleux était marié à Catherine Sauveur, pas à Jenniton…
Qui était Jenniton ?
La seconde épouse de Jean peut-être, mais toutes les recherches pour trouver la trace d’un remariage de Jean de Halleux sont restées vaines.
De tous temps, nos gouvernants se sont efforcés de dresser des listes de leurs contribuables. C’est ce qui fut fait en 1736 avec des Etats des capitations, dans lesquels on trouve mention de « Hubert le Crenier, Jeanne Halleux sa femme, ayant une petite boutique, le Rd. Sr. Lambert Lescrinier son fils, prêtre et chapelain de Saint-Jean Baptiste, et Marie-Agnès leur fille âgée de 30 ans ».
Bon sang, mais c’est bien sûr ! Jenniton pourrait être Jeanne de Halleux, la mère du chapelain de Saint-Jean-Baptiste. On se souvient que, parmi les pièces provenant de l’église, se trouve un cartouche en hommage au Révérend Lescrinier et il est vraisemblable qu’il y ait eu aussi un cartouche en l’honneur de sa mère.
Y aurait-il quand même un lien de parenté entre Jean de Halleux et Jeanne/Jenniton ?
Difficile de se prononcer, les Halleux sont déjà nombreux à Liège à cette époque. Le fait est qu’en 1669, les registres paroissiaux de Liège relatent le baptême de Jeanne de Halleux, sœur de Jean. Coup de théâtre donc ! Jenniton qui passait pour l’épouse de Jean pourrait être sa sœur. Mais cela reste à prouver.
Sources :
- correspondance privée de feu Jacques Berger Carrière (grand merci à Danielle Rogister)
- Bulletin de l’Institut Archéologique Liégeois, tome XCV, 1983